INNOVATION - DÉCARBONISATION - ÉCONOMIE CIRCULAIRE
Goyard, le bon élève de Cristal Union.
Cité parmi les cinquante sites industriels les plus polluants de France par l'Élysée pour son usine de Bazancourt, le géant sucrier met en avant sa distillerie de Mareuil-sur-Aÿ, engagée depuis plus de dix ans dans la réduction de ses émissions.
Il y a quelques jours, le président de la République a convié à l’Élysée les dirigeants des 50 sites industriels les plus émetteurs de gaz à effet de serre (GES) pour réclamer une accélération de leur décarbonation. Parmi ces 50 gros émetteurs, l'usine de Cristal Union de Bazancourt, groupe coopératif agro-industriel rassemblant 10 000 agriculteurs et 2 200 salariés.
Hasard du calendrier, ou non, le géant européen du sucre, de l’alcool et du bioéthanol organisait, dans la foulée, une invitation presse à la distillerie Jean Goyard d’Aÿ-Champagne, sur le thème de « l’innovation, la décarbonation et l’économie circulaire. » « On n'a pas attendu l'injonction du président pour se mettre à l’œuvre. On réfléchit depuis une quinzaine d'années au basculement vers des énergies renouvelables », a ainsi lancé Jérôme Bignon, PDG de la distillerie.
Fondée en 1911 et rachetée en 2007 par Cristal Union, l’usine se veut exemplaire, elle qui assure plus 80 % du traitement des sous-produits viticoles de l'AOC Champagne. Au moment de la vendange, 3 000 tonnes de marc arrivent chaque jour, pour un total de près de 100 000 tonnes d’aignes (pulpes, pépins, rafles et jus) collectées sur ses trois plateformes de stockage de l’Aube et de la Marne.
Ensuite, tout est transformé : l’alcool sert à fabriquer des biocarburants, les vins distillés deviennent des eaux-de-vie, des lies de vin sont extraites des huiles essentielles, les pulpes de raisin sont transformées en pellets pour l’alimentation animale, les pépins riches en polyphénols sont utilisés dans l’industrie pharmaceutique et cosmétique et les effluents de la distillerie sont valorisés en fertilisant organique ou dans des méthaniseurs. Ce qui fait dire à Hubert Théréné, le directeur de la distillerie : « 100 % des sous-produits de la vinification qui rentrent chez nous sont transformés, valorisés et mis sur le marché dans une démarche d’économie circulaire. »
L’entreprise met également en avant un investissement qui ne date pas d’hier. En 2009, 3 M€ ont été injectés dans une chaudière biomasse, qui permet aujourd’hui au site de Mareuil-sur-Aÿ de fonctionner à 99 % au bois. À l'époque, le prix était identique pour le bois et le gaz, mais aujourd’hui, ce n'est évidemment plus le cas. « On est entre 23 et 24 € du MWh pour le bois et près de 130 € pour le gaz. L’intérêt économique rejoint l’intérêt écologique », se félicite le directeur. La distillerie Goyard assure avoir aussi fait d’importants efforts sur sa consommation d’eau, qui aurait été réduite de 90 % au cours des dix dernières années, pour atteindre environ 60 000 m³ chaque année.
Son PDG entend aller encore plus loin. « Pour distiller, il faut chauffer et pour chauffer, il faut de l’énergie. On doit trouver des techniques pour réduire la consommation. Ça passe par de l’investissement pour améliorer le rendement. » Ça tombe bien, Emmanuel Macron a proposé aux industriels les plus émetteurs de doubler à 10 milliards d’euros l’aide publique pour leur décarbonation… si les patrons jouent le jeu et doublent, eux aussi, leur effort en la matière. Même si la distillerie de Mareuil-sur-Aÿ est sans doute plus en avance que d’autres sites de production du groupe Cristal Union.
Simon Ksiazenicki.